Ou comment se perdre à 5000 mètres d'altitude !
A Sajama, nous avons adoré les paysages mais ce qu'on aime particulièrement, c'est prendre des claques visuelles sur le chemin de randonnée et pas seulement en arrivant à un mirador.
Nous avions prévu à la base d'aller au parc "Toro Toro" avec diverses randonnées, un canyon, des traces de dinosaure etc… mais pour ma part (Nath), j'avais un sentiment d'inachevé en ce qui concerne la haute montagne et je savais que le reste du voyage ne nous emmènerait plus aussi haut. On a donc changé nos plans et au lieu d'aller au parc "Toro Toro", nous sommes revenus sur La Paz afin de prendre la route pour nous rendre au petit village de Sorata à 2697m, au pied du Nevado Illampu et ses pics qui culminent à 6421 m d'altitude (4ème plus haute montagne de la Bolivie), dans la cordillère royale.
SAUF QUE, pour une fois, on n'avait aucune info sur les treks à faire là-bas et les agences de La Paz n'y organisent plus d'excursions pour deux raisons : il y a eu de plus en plus de problèmes d'agression et vol pour les personnes qui trekaient en solo et l'association des guides commençait à être trop gourmande financièrement.
C'est donc avec nos gros sacs à dos et complètement à l'improviste qu'on part pour Sorata.
Complètement?
Enfin presque ! J'avais tellement saoulé Jérôme avec l'Illampu ces deux derniers jours qu'il avait quand même jeté un œil sur internet. Il me dit qu'il y a une lagune glaciaire en altitude. Il ne m'en fallait pas plus, ce sera l'objectif de ce trek.
Le village est tout petit et tiens donc! On entend de la musique résonner fort dans tout le village ! Apparemment il y a une fête de village qui se donne ici ! Une fête qui, comme pour Sajama, va durer 3 jours. Mais ici, les enfants ne ratent l'école que le vendredi et participeront pour certains au grand tournoi de foot organisé pour l'occasion. Et les populations des villages alentours viendront également pour l'occasion.
On pose nos sacs à l'hôtel, mais il n'y a de la place que pour cette nuit car après il sera complet à l'occasion de la fête. On ne sait donc pas encore où l'on dormira au retour du trek mais chaque chose en son temps.
Puis on file à l'association des guides pour essayer de choper une carte et des infos pour notre rando. Leur bureau n'est pas toujours ouvert, il faut donc y aller plusieurs fois dans la journée jusqu'à ce que quelqu'un se pointe.
Du coup, comme c'était fermé la première fois que nous y sommes allés, on décide de se balader un peu dans les rues pour essayer de trouver un guide, mais où chercher? Comment le reconnaître? C'est au feeling qu'on va y aller. Mais finalement, c'est le guide qui est venu à nous ! On s'assoit sur un banc pour discuter. Il essaie de nous vendre un tour, on lui dit qu'on veut le faire seuls et qu'on a juste besoin qu'on nous emmène au début de la rando et qu'on vienne nous chercher. Il nous propose donc de nous accompagner seulement pour le deuxième jour, vers la lagune glaciaire, et de venir avec un collègue pour qu'il garde nos affaires (ce que nous avions demandé car on n'était pas rassurés vu la réputation évoquée par les agences et par les blogs) pendant qu'on rejoindrait la lagune glaciaire. Le prix était assez cher, un truc comme 430 Bob. Ça donne à réfléchir, on lui donne donc RDV dans une heure au même endroit pour lui donner notre réponse.
Entre temps, le bureau de l'association des guides est ouvert. On réussira à dégoter une carte mais pas précise du tout. Là aussi, le gars nous propose un tour, essaie de nous dissuader de le faire tout seul, on voit avec lui les diverses possibilités, les différents prix, qu'on arrive à faire baisser de plus en plus.
On vous passe le reste des détails de négociation mais au final, on ne prendra au guide que ses services de taxi pour aller au début de la rando, au village Lacathiya, pour revenir nous chercher au village Kholani le lendemain à 17h, ainsi que ses conseils.
Ça y'est, on peut commencer le trek ! Il n'y a aucun balisage, le chemin n'est pas toujours évident à trouver, on est bien perdus au milieu de nulle part, Maps.me sera notre unique outil d'orientation. Mouai... ça va pas être évident car il faut l'avouer, Maps.me se plante assez souvent sur les lieux peu connus.
JOUR 1
Lacathiya - Lagune Chillata - Campement
Dénivelé positif : 450 m
13 Km / 8h en comptant les pauses
Le guide nous dépose dans un micro village appelé Lacathiya, à 3900 m. Le chemin de rando est facile à trouver au début. Il faut marcher sur le flan de la colline qui est là, juste devant nous et passer de l'autre côté.
On croise un jeune berger, on lui demande si on est bien dans la bonne direction, il nous répond que oui mais que le chemin disparaît souvent, puis nous demande timidement de l'argent. On lui propose des bonbons et il accepte, moi j'ai trouvé ça touchant car ce n'était déjà plus un enfant.
C'est vrai que parfois, il n'y a aucun chemin, on doute, on cherche.
On cherche???
Oui, on cherche le rocher noir! C'est quoi le rocher noir? Et bien en fait, le guide nous a répété plusieurs fois qu'on allait croiser un rocher noir et que la plupart des touristes pensaient qu'on ne pouvait pas passer et qu'ils faisaient demi-tour. Mais on peut passer, il y a un endroit en " v " qui indique le passage. Du coup, la première fois qu'on voit un rocher noir devant nous, on essaie de le grimper pour voir si c'est par là. C'est là? Non j'crois pas !
Bref on continue, ça grimpe, on prend bien de la hauteur et la vue sur les montagnes derrière nous est magnifique. En revanche, nous, on s'enfonce de plus en plus dans la brume, le temps ne sera peut-être pas aussi clair qu'on le pensait. Suspense!!!
Et tout à coup, en haut d'une colline, je le vois, le rocher ! Je me retourne et dit à Jérôme "J'crois que j'ai trouvé le rocher noir !" Tu m'étonnes, mais c'est pas un rocher ça !!! C'est une montagne !!! Pourtant le gars a dit "roca" et pas "montana" !!
Elle est énorme !! L'émotion me prend et j'ai super hâte de la passer cette montagne noire. On se rapproche petit à petit, on profite d'avoir une vue d'ensemble sur cette barrière pour tenter de repérer l'endroit où on peut passer. Là, on se dirige seulement à vue d’œil, en fonction de ce qu'il nous semble être le bon chemin. Moi je suis toute excitée, c'est l'aventure!
Bon, on est de l'autre côté mais ce n'est pas fini, il reste encore du chemin avant d'arriver à la lagune Chillata, où nous prendrons notre repas du midi. Sauf qu'il y a une colline devant nous, on sait pas trop ou aller, Maps.me indique un chemin pour la contourner mais nous, on se dit que grimper et couper direct à travers sera plus rapide.
Ouai c'est vrai, c'était plus rapide, on arrive en haut de la colline tout transpirants et là... une autre colline en vue!! On regarde pour rejoindre le chemin maps.me mais il est un peu loin alors on décide de s'taper une deuxième montée de colline!
Et en arrivant en haut devinez quoi? Encore une colline!!! On n'a pas fait le bon choix dès le départ et on n'en peut plus. Quand est-que ça va s'arrêter? Au final, on perd du temps et de l'énergie!!
Mais bon, les collines sont maintenant derrière nous et après encore pas mal d'hésitations sur le chemin, on trouve enfin la lagune Chillata!! Trop belle, avec des lamas sauvages qui sont là, à se faire des câlins et à brouter de l'herbe. C'est paisible. On est tout seuls mais on voit tout de même une tente au loin. Il y a d'autres aventuriers dans le coin. Il y a des endroits délimités par des pierres où l'on peut poser la tente ici.
Normalement, d'ici, on peut voir le lac Titicaca mais le temps d'aujourd'hui ne nous le permet pas.
Après une pause bien méritée, nous devons repartir, le guide nous a dit qu'il y avait un campement plus haut et on préfère y dormir pour être plus près de la lagune glaciaire afin de raccourcir notre temps de marche du lendemain. En plus le temps se gâte et on se refroidit vite à cette altitude.
La vue sur la lagune quand on se retourne est magnifique.
La suite de la montée se déroulera sans accroc, bien qu'on se soit retrouvés dans la brume à plusieurs moments. On peut admirer les paysages entre deux nuages, le lieu est calme et les montagnes nous appartiennent. On trouve le campement, il n'en reste que quelques murs de pierre. On y installe la tente juste avant la tombée de la nuit. Malheureusement, les nuages nous empêchent de profiter de la magnifique vue que l'on peut avoir sur l'un des sommets, mais une petite éclaircie nous donne un aperçu de ce que ce serait à ciel dégagé, et les couleurs ont l'air magnifiques ! Voyez plutôt !
Jour 2
Campement - lagune glaciaire – Kholani :
611 m dénivelé positif / 1907 m dénivelé négatif
14 km / 10h avec pause repas rapide
On a 3,4 km à faire pour arriver à la lagune. Le temps est légèrement plus clément aujourd'hui. On laisse la tente ici, avec toutes nos affaires dedans en priant pour que personne ne vienne nous piquer quoi que ce soit et nous voilà partis le dos léger, ce qui n'est pas négligeable à 5000 m d'altitude. On monte et on monte encore. C'est dur mais l'excitation de voir notre première lagune glaciaire nous donne la patate.
On marche maintenant sur des rochers et rien ne nous indique le chemin. Tout ce qu'on sait c'est qu'il faut monter. Puis on commence à voir des petits bonhommes de pierre, vous savez les p'tits tas de pierre que les gens font parfois ! Du coup, on se dit cool c'est par là ! Et on commence à les suivre. Il y en a de plus en plus et partout ! D'ailleurs, on commence à douter car ça devient un peu fouillis leur truc, il y en a à gauche et aussi à droite, bref on ne sait plus où donner de la tête et à ce stade. Maps.me ne sait rien lui non plus, cependant il indique une direction. C'est un peu comme si on se dirigeait à la boussole.
Bref on continue à monter mais à chaque fois que l'on passe un col, il y a une autre montagne encore plus haute à passer derrière. Bon bah là c'est officiel, on est perdu. Jérôme me dit qu'on est déjà à plus de 5000 mètres et qu'on aurait dû voir la lagune. On bifurque un peu à l'aveuglette, d'ailleurs c'est le cas de le dire, à ce moment là, la brume vient nous enrober et Jérôme et moi ne nous voyons même plus. Il part en reconnaissance pour voir si il y a un chemin plus loin et me crie que de toute façon il faut avancer par là. Très bien, je le rejoins difficilement en faisant attention où je met les pieds. On est bien en hauteur et la brume se dégage.
Jérôme peste, on ne sait même pas par où passer, il n'y a que des montagnes et des rochers et rien pour nous guider. La boussole Maps.me indique un chemin plus bas.
Du coup, on doit redescendre sauf que par là, on a une avalanche de rochers géants à traverser et on n'est pas rassuré du tout. Un faux pas et on se casse une jambe. Heureusement qu'on a les bâtons pour garder l'équilibre. On marche lentement avec prudence en descendant dans ces rochers qui se sont fracassés depuis le sommet on ne sait quand, puis on retrouve un terrain plus facile.
Jusqu'ici tout va bien, il y a souvent du chemin et on sait qu'on doit passer de l'autre côté de ces montagnes
Ça c'est le terrain un peu plus dur au moment où l'on s'est perdu. Imaginez le terrain difficile de l'avalanche de rochers !!! De toute façon vous n'avez pas le choix, on n'a pas de photos!
Après avoir passé l'obstacle de l'avalanche de rochers, on rejoint un chemin qui en fait n'en est pas un. Il y a un gros tuyau qui achemine de l'eau. Du coup, on décide de le suivre.
Et enfin, après quelques détours, on aperçoit le glacier. Pile à ce moment, le ciel se dégage et nous permet de le voir. L'instant est magique, tout est gris, et dans ce paysage lunaire, la glace qui tombe du glacier et l'eau qui coule de la lagune donnent vie à ce champ de désolation.
Ce qu'on ne voit pas sur les photos, c'est le sentiment que la terre vit, qu'elle respire et qu'on peut l'entendre, là, à cet endroit précis. Elle nous donne ainsi le privilège de nous chuchoter sa présence.
Malheureusement, on doit écourter ce moment de sérénité car il faut redescendre quand même pas mal de dénivelé, on a la tente à replier au campement et on doit être à l'heure au RDV donné au guide/taxi à Kholani, village qu'on ne connait pas du tout, d'ailleurs, on ne sait pas où on doit se retrouver dans le village.
Tout se déroulera à merveille jusqu'aux abords du village. Evidemment, ça pouvait pas se dérouler parfaitement. Déjà, on avait une bonne heure de retard dû au fait qu'on se soit perdus tout là-haut, on a donc marché à bonne allure pour rattraper ce temps perdu. Puis, non loin de Kholani, Maps.me ne nous aidant toujours pas, le chemin disparaît, encore !!
On demande notre direction à un paysan qui nous dit que c'est loin et que ça va être dur mais que moyennant de l'argent ou à manger, il nous indiquerait la route. Heu, moi j'aime pas trop qu'on me fasse du chantage. Donc on décide de se débrouiller tout seuls. Et finalement, il nous aura suffit de couper à travers champ dans la colline pour retrouver le chemin. Le monsieur s'était bien foutu de nous !!!
On voit le village de loin mais on ne sait pas vraiment par quel côté l'aborder. Plus on s'approche, plus l'accès semble difficile.
Après quelques plaintes, jurons et une petite dispute entre nous, Jérôme suit un chemin Maps.me.
Quelle merveilleuse idée !!!
On traverse un jardin de plantes coupantes, et peu après, il faut passer sur un terrain de terre et de cailloux où je ferai une chute et avec mon sac à dos, pas facile de s'arrêter en pleine glissade. J'ai cru que j'allais me retrouver en bas du fossé ! Je grogne après Jérôme qui m'engueule parce qu'il a eu peur, bref, la tension est à son comble!!!
On se dépêche d'arriver au village. Comme on ne sait pas où retrouver notre chauffeur, on se met à l'entrée de Kholani, sur la seule et unique route d'accès par le bas, normalement, pas possible de le louper. Il est 16h55, on reprend notre souffle ! Notre carrosse arrive 5 minutes après, on est synchro et trop contents de notre périple, pour ne pas dire fiers !!
Le guide était un peu dégoûté quand on lui a dit qu'on avait réussi à tout voir, bah oui, il était persuadé qu'on allait se perdre, ce qui est effectivement arrivé mais on n'a pas abandonné et on a trouvé notre glacier.
Quand on est arrivé à Sorata, il était 18h et la fête battait déjà son plein. On aimait déjà ce village avec sa jolie place et ses p'tites rues. Il y fait super bon et les gens sont vraiment cools et détendus. La gaieté et la bonne humeur qu'on a reçu en traversant le défilé pour rejoindre notre minivan de retour nous ont fait regretter de partir. Cette fête avait l'air bien différente de celle de Sajama et on avait vraiment envie de rester, d'autant plus que les villageois venaient vers nous sûrement déridés par l'alcool, mais on se sentait vraiment les bienvenus à la fête.
Mais malheureusement, on ne pouvait pas rester premièrement parce qu'il n'y avait plus de place dans les hôtels et deuxièmement, on devait avancer dans notre périple.
♥♥♥
Ce trek est un de nos préférés. C'était vraiment une "folle" aventure. La montagne était vraiment magnifique, la brume faisait planer le mystère sur les paysages. On a adoré le campement au milieu de nulle part, au pied de cet énorme pic enneigé de l'Illampu et la découverte de ce superbe glacier. Se dire qu'on est seuls au monde et apprécier ce sentiment de liberté, c'était topissime !!
♥♥♥
??? Vous saviez que les lamas aiment se rouler sur le dos ???
Infos pratiques
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NB : On est un peu dégoûté car Jérôme s'est fait voler son tel peu après, (voir article Cochabamba,) et on a perdu plein de superbes photos de ce trek.
Si des personnes qui nous lisent ont été voir cette lagune, votre expérience nous intéresse. On vous remercie de nous donner vos impressions ça nous met du baume au coeur :)
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Aurélie (mardi, 15 janvier 2019 08:40)
Aussi somptueux que dangereux et aventureux en somme �. Heureusement que tout se passe bien, in fine. Vous allez nous Faure pâlir lol. Restez prudents et merci pour ce délicieux moment de partage encore. Bisous
Bitume et cacahuètes (mercredi, 16 janvier 2019 00:24)
Avec plaisir ! Et rassure toi, on est toujours très prudents!